Polémique sur le prix des cerises Le Figaro10 juin 2006, (Rubrique Entreprises)
par Jean-François Arnaud
Les consommateurs les trouvent trop chères alors que les professionnels ne les ont jamais vendues aussi bon marché.
NE DITES PAS aux producteurs de cerises que leurs fruits sont trop chers, ils deviendront aussi rouges que des griottes. «Cette polémique est injuste, les cerises n'ont jamais été aussi bon marché !», s'enflamme Sophie Le Mouël, la porte-parole de l'Agence française des fruits et légumes (Aprifel).
Les professionnels, chiffres à l'appui, annoncent que les prix des cerises sont aujourd'hui de 30% inférieurs à la cueillette 2002 et en baisse de 6% par rapport à l'année dernière. La filière s'est même fendue d'un communiqué pour «remettre les pendules à l'heure» et organise ce lundi matin une réunion d'information sur le thème du «vrai coût des fruits».
Cette polémique maraîchère est née la semaine dernière avec un article du Parisien titré «Très chères cerises», faisant un état des lieux singulièrement différent à partir de prix relevés sur les étalages des marchés parisiens. Le record est à peine croyable : 45 euros le kilo de cerises chez Fauchon !
Ces informations ont déclenché une véritable levée de boucliers de la part des producteurs, qui craignent pour leurs ventes. «Nous sommes extrêmement choqués par ces informations, qui ne reflètent pas la réalité du marché, s'enflamme Nicolas Benz, président de la section nationale cerise. Tout cela induit le consommateur en erreur.»
De fait, selon les chiffres relevés par le ministère de l'Agriculture la semaine dernière, le bigarreau se vend en moyenne 4,49 euros (contre 4,78 euros il y a un an).
Prix perçus et prix réels
Mais l'affaire conduit les professionnels à se poser la question de la perception des prix par les consommateurs. «On baigne aujourd'hui dans une culture des prix bas, des soldes permanents et du discount, analyse Sophie Le Mouël, et les fruits et légumes paraissent toujours trop chers car on imagine que ce sont des produits non élaborés offerts gracieusement par la nature.»
Et la cerise est d'autant plus difficile à avaler pour les producteurs que, sur le terrain, ils gagnent mal leur vie. Expédiée à moins de 2 euros le kilo dans le sud de la France, la variété burlat leur est achetée tout juste le coût de sa cueillette. La saison ne dure que huit semaines au maximum, au cours desquelles il est impossible de rattraper un début de saison défavorable.
Une chance pour eux, les conditions climatiques et sanitaires sont excellentes cette année et la cerise, contrairement aux autres fruits d'été, n'a pas à subir une concurrence étrangère exacerbée.