Les CROPS-CIRCLES...un défi à la science

Article paru dans le n°878 de la revue Science et Vie en novembre 1990.

L'histoire folle des ronds dans le blé

Les CROPS-CIRCLES...un défi à la science Crops8ii

Les CROPS-CIRCLES...un défi à la science Crops8ii

Une équipe de huit jeunes Français a passé l'été à enquêter sur une énigme qui prend en Angleterre des proportions phénoménales.

Après avoir tout vu, tout contrôlé, monté la garde sans succès, passé en revue toutes les hypothèses, de la plus rocambolesque à la plus « scientifique » ils ont finalement découvert le pot aux roses... par Thierry PINVIDIC

Depuis le début des années 80, des coupes circulaires énigmatiques appelées crop circles (cercles des récoltes) apparaissent dans les champs de céréales du sud de l'Angleterre, quelques semaines avant les moissons, de façon aussi régulière en été que Noël en décembre !
A l'intérieur de ces cercles plus ou moins parfaits les tiges des céréales sont généralement pliées au ras du sol en un mouvement spiralé, le plus souvent dans le sens des aiguilles d'une montre (mouvement anticyclonique).
Aucune trace ne semble permettre d'y accéder. En 1980, les cercles sont isolés. Dès 1981, apparaît le premier jeu de 3 cercles (« triplet ») composé d'un cercle central et de deux satellites, diamétralement opposés. Ces triplets seront majoritaires jusqu'en 1983, année ou des « quintuplets » font leur apparition (un cercle central entouré de 4 satellites disposés à angle droit).
A partir de 1983 également, on observe des formes allongées mais arrondies aux extrémités, ainsi que des bandes parallèles.
Peu à peu, les cercles isolés et les triplets disparaissent et, en plein règne des quintuplets, en juillet 1986, nouvelle escalade dans le phénomène : un cercle entouré d'un anneau concentrique séparés par un autre anneau de plantes non endommagées sont découverts dans un amphithéâtre naturel, le Devil's Punch Bowl. Les céréales du cercle central sont couchées dans le sens des aiguilles d'une montre, alors que celles de l'anneau extérieur le sont en sens inverse ! De 1986 à 1989, on assiste à toutes les combinaisons possibles d'anneaux et de cercles. Quelques formations ont l'aspect d'une croix celtique, et dans certains cas les plantes ne suivent pas un mouvement en spirale mais un mouvement radial partant du centre. 1989 marque l'arrivée de ce que les spécialistes anglais ont nommé grapeshot (tir groupé) : une multitude de petits cercles en troupeaux désordonnés. Alors que les majestueux quintuplets atteignent 70 à 80 m d'envergure, ces derniers cercles dépassent rarement 3 m de diamètre. Mais c'est en 1990 que le festival commence vraiment : les quintuplets et autres formations circulaires sont progressivement détrônés par des « pictogrammes » utilisant une combinaison de cercles, d'anneaux, d'arcs de cercle, de « parenthèses », de rectangles, de clefs et de formes sinueuses.

Suite de l'article

Le 12 juillet, premier jour des vacances scolaires, un pictogramme d'une taille gigantesque apparaît dans un champ de blé à Alton Barnes, dans le Wiltshire. Son succès sera planétaire. Dans les 48 heures, 80 nouveaux crop circles seront recensés, et le 25 juillet des triangles seront découverts à Beckhampton, à quelques kilomètres. En quelque 10 ans, le nombre des crop circles va crescendo et leurs formes se diversifient. De quelques dizaines en 1980, ils sont 300 pour la seule année 1989 et plus de 420 apparaissent entre début mai et fin juillet 1990... portant ainsi le « cheptel » à un bon millier. En quelques années, ils prolifèrent du Wiltshire, où ils sont apparus, au Hampshire voisin, puis à sept autres comtés, pour se retrouver en 1990 de Granpian (au nord de l'Ecosse) à l'île de Wight, au sud de l'Angleterre, en passant par un village du pays de Galles.

On nous assure que le phénomène se produit désormais dans une trentaine de pays. Outre le blé, l'orge, l'avoine, le lin, le mais et le colza, il aurait été observé dans des champs de moutarde, de betteraves à sucre, de haricots, d'épinards, de tabac et de riz. Selon le physicien Terence Meaden, qui étudie le phénomène, il se manifesterait aussi sur de la terre, du sable, de la neige et même sur de l'herbe recouverte de gelée blanche ! Et pour couronner le tout, ce phénomène serait beaucoup plus ancien qu'on le pense.
Au fil des ans, la liste des hypothèses s'allonge au point de ressembler à un inventaire à la Prévert. On peut globablement en distinguer sept catégories, de valeur inégale : les crop circles sont liés à un problème d'ordre agricole ; à l'activité de certains animaux ; à la présence de sites archéologiques souterrains ; à un phénomène météorologique ; à une activité militaire ; à une activité autre qu'humaine (entendez essentiellement les extraterrestres) ; et enfin à une activité humaine autre que militaire.

1. Hypothèses liées a l'agriculture. Parmi celles-ci, on trouve celle d'un désordre chimique régnant dans un sol constitué de terrain crayeux, l'abus d'engrais qui ferait croître davantage les céréales à certains endroits, et l'hypothèse cryptogamique (perturbation liée à la présence d'un champignon). Malheureusement, le désordre chimique ne rend pas compte à lui seul des formes géométriques observées. De même, l'abus d'engrais est à exclure si l'épandage est uniforme : il ne produirait pas ces dessins géométriques tirés au cordeau. L'éventualité d'une maladie cryptogamique des plants ou de la présence de mycéliums annulaires, a pu faire illusion un temps. En effet, le piétin est une maladie des céréales liée à la présence d'un champignon qui provoque la verse des épis. Et les verses ont parfois des formes circulaires assez étonnantes. Mais la délimitation entre plants affectés et plants sains n'est pas aussi nette que dans les crops circles. Quant aux mycéliums annulaires (« les cercles de fées »), ils peuvent produire des anneaux gigantesques d'autant plus parfaits que la culture intensive confère au sol une densité et une texture uniformes, comme le soulignent deux biologistes anglais, Michael Hall et Andrew Macara. Mais depuis l'apparition en 1983 des triplets et a fortiori des quintuplets, cette hypothèse est difficilement invoquable.
2. Hypothèses liées a l'activité de certains animaux. Un lecteur du Swindon Evening Advertiser évoque en 1988 l'envol massif d'oiseaux posés dans un champ. Il aurait observé ce genre de phénomène dans les années 1930. Une autre personne assure qu'il s'agit là de l'oeuvre de hérissons devenus fous. Il faut également citer l'hypothèse du cerf en rut, lequel pendant la période des amours a la particularité de tourner autour de la biche qu'il convoite. Tout cela n'est que fantaisie : on imagine mal une nuée de corneilles ou une armada de hérissons laisser des traces parfaitement géométriques de leur passage. Quant au cerf, eut-il fait un cercle parfait autour de l'élue de son , on ne voit pas comment il aurait pu quitter le champ avec grandes précautions pour ne pas créer de traces parasites. 3. Hypothèses liées à l'archéologie.
Le Pr Archibald Roy, directeur du département astronomie à l'université de Glasgow, émet l'hypothèse que les populations du Néolithique, pratiquant une forme primitive d'agriculture, auraient bâti les monuments mégalithiques de Stonehenge et d'Avebury, en des lieux où les fameux crop circles seraient apparus. Selon Mrs Nancy Stepheson (Western Daily Press du 27/07/90), les crop circles ont pour origine des structures funéraires circulaires de l'âge de bronze. Celles-ci se révèlent progressivement du fait des périodes de sécheresse successives.

Suite de l'article

Il est exact que la présence de structures archéologiques dans le sous-sol provoque soit un déficit de pousse, soit - et le cas nous intéresse davantage - un surcroît de pousse des céréales. Toutefois, l'agriculture mécanisée et intensive provoque davantage la disparition de ces structures que leur révélation, car le labourage est de plus en plus profond. Par ailleurs, certains mélanges céréaliers et quelques plantes parasites (le coquelicot, par exemple) aidaient à repérer les sites archéologiques, ce que les variétés céréalières uniques et parfaitement calibrées ne permettent plus de nos jours. Le nombre croissant de crop circles est donc peu compatible avec celui, décroissant, des structures archéologiques que l'agriculture moderne dévoile. De plus, on retrouve parfois les crop circles dans un même champ d'une année sur l'autre (on parle alors de « sites récurrents »), mais toujours en des endroits différents.

4. Hypothèses liées a un phénomène météorologique. Amanda Cable (The Sun, 20/07/90) évoque l'hypothèse de grélons géants qui fondraient après avoir dévasté localement les cultures. Le Meteorological Office n'y croit pas et on le comprend ! On voit mal comment ces bombes glacées, si l'on peut dire, affecteraient uniquement les cultures et non les villages, en créant des structures géométriques par n'importe quel temps et sans détremper le sol localement...
L'effet de serre et les trous dans la couche d'ozone défrayent la chronique mondiale au printemps 1989. A cette époque, un scientifique japonais de la Nihoy University, à Tokyo, étudie la distribution des champs électriques autour de la planète et constate qu'elle change, probablement à cause de cet effet de serre. Qu'à cela ne tienne, l'ingénieur anglais Colin Andrews, dont nous aurons à reparler, au courant des découvertes du Nippon pour avoir travaillé avec lui, en fait l'explication des crop circles (Swindon Evening Advertiser, 30/06/88) à cause des émissions d'« énergie » qu'il aurait lui-même captées dans ces cercles. La théorie a le mérite d'être suffisamment obscure mais « raisonnable » pour sembler scientifique. Mais elle n'explique pas pourquoi les trous dans la couche d'ozone provoquent des formes géométriques situées, pour une écrasante majorité, dans les champs de céréales du Wiltshire et du Hampshire...

5. Hypothèses liées à une activité militaire. Dès les premières observations de cercles simples, en 1980, les fermiers ont suspecté une activité militaire nocturne dans leurs champs. Les hélicoptères furent les premiers visés. On sait désormais que le down wash (le souffle du rotor d'un hélicoptère en station fixe à proximité du sol) produirait des dépressions en forme de cuvette, et non ces formes aux bords nets, comme taillées au couteau. Pour créer ce genre de choses, il faudrait que l'hélicoptère vole sur le dos ! Cela n'a pas empêché un porte-parole du Ministry of Defense (MoD) d'évoquer un coupable potentiel : l'hélicoptère américain Chinook (Southern Evening Echo, 28/08/1981).
En 1988, suite à la découverte de nouveaux cercles dans son champ situé près de Silbury Hill, dans le Wiltshire, une fermière interrogea la Royal Air Force (RAF), qui dément, bien entendu, être à l'origine des dépradations.
Le 27 juillet 1990 encore, un fermier victime des crop circles, Brian Read, déclare au Daily Express que, selon lui, ces mystérieux dessins sont créés par des faisceaux lasers émis par certaines bases de la plaine de Salisbury et réfléchis vers le sol par des avions militaires. Bien entendu, si des militaires souhaitaient procéder à certains essais de lasers haute puissance dans le cadre de la guerre des étoiles, ils le feraient dans les champs du Wiltshire, parfois à proximité de routes très fréquentées et non dans leurs propres camps, à quelques miles de là, à l'abri des regards indiscrets dans une zone où la navigation aérienne civile est interdite !...
Et c'est compter sans la logique paranoïaque qui prévaut dans certains milieux. En effet : si les crop circles relevaient d'expériences militaires secrètes, l'armée devrait démentir. Or, précisément, elle dément ! Donc... Mais les militaires peuvent aussi intervenir hors service. Ainsi l'hypothèse d'un challenge entre cadets de la RAF peut paraître intéressante au prime abord. Chaque année, en fin de promotion, ces militaires s'amuseraient à créer les mystérieux dessins qu'ils contempleraient, mieux que personne, du haut du ciel. L'existence d'un centre de formation de la RAF dans la région des cercles renforce cette hypothèse. Par ailleurs, la région est constituée de collines ou des figures emblématiques tel le White Horse (le cheval blanc) sont taillées dans le calcaire. Il est vrai que, lors de la Première Guerre mondiale, de nombreux régiments du Commonwealth ont sculpté leur badges dans les colline du Wiltshire.

Suite de l'article

Cette pratique requiert, cependant, des moyens et du temps que n'auraient pas forcément les élèves de la RAF ; d'où l'idée qu'ils s'expriment aujourd'hui dans les champs de céréales. Un tel challenge rendrait compte de la surenchère constatée chaque année dans les formes et les dimensions des crop circles. Mais il ne fait malheureusement guère de doute que son existence serait désormais de notoriété publique.
Au même titre que les militaires, des aérostiers sont suspectés. Selon Stuart Nuttal, rédacteur en chef adjoint du Bristol Citysight Magazine, des aérostiers peuvent, en effet, descendre silencieusement au-dessus des champs et utiliser les puissants compresseurs de leurs machines pour créer les figures observées.
Quant aux étranges lumières aperçues parfois à proximité des sites où les crop circles sont découverts, elles correspondraient aux lueurs émises par les brûleurs à gaz.
Cette idée originale a le mérite de rendre compte de l'absence de traces parasites menant au crop circles (que les « experts », à l'exception du physicien Terence Meaden, dont nous reparlerons, ne s'expliquent toujours pas en 1990). Par ailleurs, il est exact que des aérostats survolent en grand nombre le Wiltshire. Mais le vol de nuit leur est interdit et... les vols de jour passent rarement inaperçus.
6. Hypothèses liées à une activité intelligente autre qu'humaine, souterraine ou extraterrestre. Pour certains, tout vient du sous-sol. Celui-ci serait quadrillé de lignes de forces « telluriques » : les ley-lines. Et les cercles auraient, parait-il, une curieuse tendance à se situer sur ces lignes.

En 1988, 5 cercles étaient situés sur une ligne baptisée Mary Line. Fait étonnant, selon le sourcier Dennis Wheatley, ladite Mary Line n'était pas encore découverte lorsque ces cercles apparurent. Pour Wheatley, il s'agit là d'une preuve supplémentaire en faveur de la théorie des ley-lines. Mais, plutôt que de le contredire, suivons un peu son itinéraire. Au lieu de s'interroger à n'en plus finir sur la nature du phénomène, Dennis Wheatley pense, en bon pragmatique, qu'il est plus aisé d'interroger le blé. Lui-même, à l'aide d'une baguette de sourcier.
Aux questions posées, sa baguette a le mérite de répondre par oui ou par non. Il en résulte que les cercles sont d'origine spirituelle. La baguette magique est formelle ! Wheatley entreprend alors une recherche documentaire sur les esprits de la nature et autres « élémentaux ». Il apprend ainsi qu'un esprit du nom de Deva est à l'origine des cercles. Le message de Deva est fort simple : n'oubliez pas Mère Nature, son pouvoir et son intelligence. Un ouvrage faisant le lien entre les ley-lines, le Wiltshire et les crop circles est paru cet été. Il constitue la bible de Wheatley et de ses épigones, adeptes du culte de la « Mother Earth ».
Colin Andrews et Pat Delgado sont, avec le météorologue Terence Meaden, experts ès crop circles. Ils évoquent, eux, une « force intelligente », dont ils ne précisent pas la nature et ne semblent pas trop fixés à son sujet. Ils n'hésitent pas à utiliser la baguette de sourcier, qui serait l'un des moyens permettant de distinguer les « vrais » cercles des « faux ». De ce fait, ils constituent le lien entre les ufologues (que nous verrons plus loin) et les adorateurs des divinités génératrices.

Suite de l'article

Leurs avis et opinions sont si bien relayés par les médias qu'il n'est guère étonnant de trouver dans la presse des déclarations aussi savoureuses que la suivante (Western Daily Press, 26/07/1990) : « La grande densité de ley-lines est peut-être à l'origine d'un champ de force faisant du Wiltshire une cible admirable pour un laser haute définition utilisé du fin fond de la galaxie pour communiquer avec nous.... »
L'ouvrage d'Andrew et Delgado caracole en tête du Top 10 des best-sellers britanniques et, à ce qu'on déclare, la Reine l'aurait inclus dans ses bagages pour sa résidence d'été écossaise. En tant que premier propriétaire foncier du Royaume-Uni, on comprend que le phénomène l'intéresse, plaisante le journaliste Craig Forman (Wall-Street Journal, 28/08/1989). En mai dernier, la National Farmer's Union, voyant l'énorme attrait que suscite le phénomène, a édité un code de conduite indiquant aux apprentis chasseurs de cercles comment se comporter dans les champs.
Curieusement, d'ailleurs, le document de la NFU aurait bien pu mettre la puce à l'oreille aux gens de bon sens ; il donne une partie de la recette pour pénétrer dans les cultures sans laisser de trace. Ce qui est tout le problème ! Ne pas laisser de traces en quittant les lieux du crime, c'est le vieux problème des romans policiers et celui même des crop circles. Or, qui ne laisse pas de trace ? Les ovnis, bien sur ! Les histoires d'ovni ne sont associées aux cercles que dans un très faible pourcentage de cas.
Dans le catalogue mondial des traces d'ovni alléguées, réalisé par l'Américain Ted Philips, on ne trouve rien de comparable aux cercles très nets apparaissant en Angleterre. De plus, nos spécialistes ne sont pas d'accord entre eux. Ainsi, pour le groupe « Quest International » de Bristol, les cercles représentent des étoiles, et leur répartition géographique des constellations. Pour Alan Rayner, la conjonction Vénus-Jupiter des 13 et 14 août 1990, qui ne se produit de façon précise qu'une fois tous les 2000 ans, pourrait, aux dires d'une voyante du Wiltshire, avoir un lien avec les crop circles.

Dans une déclaration à The Observer (14/8/1988), Andrews affirme que l'ordinateur a montré que les cercles ne peuvent pas être faits de main d'homme. L'année suivante, il évoque une « contamination moléculaire » du blé. A l'en croire, le Ministry of Agriculture, Fisheries and Food aurait même demandé aux paysans de ne pas moissonner les blés à proximité des cercles. Certains tests devaient être effectués avant d'autoriser les céréales des cercles à intégrer la chaîne alimentaire. Mais le ministère, interrogé, déclare n'avoir aucune raison de considérer ces céréales impropres à la consommation. Le phénomène, dit encore Andrews, réagit à nos discussions et nos pensées. Mais les siennes sont relayées par tous les médias !
Quant à Pat Delgado, il est persuadé d'avoir découvert un nouveau phénomène de la nature auquel il choisit de donner son propre nom. Cet « effet Delgado » n'est autre... que le phénomène de convection. Comme il se doit, l'activité des extraterrestres dans les cercles où celle de cette « force intelligente » qu'évoquent Andrews et Delgado s'accompagne d'une kyrielle d'effets bizarres. Effet physique tout d'abord, sur un magnétomètre qui enregistre une déviation du champ magnétique. Mais le test refait en présence du physicien Meaden est non concluant. Effet sur une caméra, ensuite, qui refuse de fonctionner sur le site d'Alton Barnes. Meaden, là aussi, est dubitatif et nous le sommes également pour avoir filmé sans problème à l'intérieur des cercles.
En 1986, Colin Andrews emmène chez lui un échantillon de sol prélevé dans un cercle. Il aurait constaté plusieurs perturbations électriques jusqu'à ce qu'il se débarrasse de cet encombrant prélèvement.
Mais le plus spectaculaire des effets physiques allégués est le crash d'un avion Harrier, près de Winterbourne Stock en 1987. Le corps du pilote a été retrouvé près du site de Winterbourne et l'avion s'est abîmé en plein Atlantique, 500 miles plus loin ! Les cercles sont apparus le 22 août, et le crash eut lieu... fin octobre. L'enquête du MoD a conclu à une mise à feu intempestive du dispositif de séparation manuel du siège éjectable. Meaden, lui aussi, remarque que le nombre de crashes est important à proximité des cercles, mais il constate également que l'activité aérienne est particulièrement intense dans cette zone. Au chapitre des effets biologiques, Colin Andrews conserve dans son réfrigérateur une mouche qui a été foudroyée (zapped dead) par le phénomène.

Suite de l'article
Un septuagénaire ne put pénétrer sur le site d'Alton Barnes, comme si une force l'en empêchait. Certains ressentiraient des bourdonnements d'oreilles, auraient les cheveux dressés ou encore la peau brûlée. Mais aucune constatation médicale sérieuse n'est offerte à l'appui de cette dernière allégation.
D'après notre propre expérience, les effets biologiques les plus redoutables pour qui s'aventure dans un champ de céréales sont... les piqûres d'aoûtats !
Des chercheurs de l'université du Sussex ont étudié les sons associés à la formation des cercles. Mais cela, hélas, ressemblait beaucoup aux stridulations des crickets. Un autre son, enregistré lors d'une veillée, était celui d'un train dans le lointain. Mais tout n'est pas négatif. On apprend (Western Daily Press, 23/7/1990) qu'un laboratoire de Rodborough, a analysé des échantillons prélevés dans les cercles, et que ceux-ci ont de « hauts degrés d'énergie ». Ce même laboratoire mettra en évidence sur les échantillons une « modification de la structure cristalline du blé »...
Le 5 août 1985, sur le site de Middle Wallop, le céréologiste Busty Taylor découvre un produit bizarre semblable à une gelée (Andover Advertiser, 9/8/1985). Selon le lieutenant colonel Greville Edgecombe, qui enquêta sur le site, les rapports d'analyse évoquent une substance ressemblant à de la levure et du blanc d'oeuf, mais dont l'origine exacte serait inconnue. Cette « gelée bactérienne » a été congelée et transmise en Espagne pour analyse. En 1989, elle revient d'Espagne. Des tests complets (dont on ne dit rien) n'auraient pas permis aux scientifiques de l'identifier. La seule chose que l'on sache est que les premières personnes qui furent en contact avec elle auraient éprouvé de sérieuses difficultés respiratoires.

7. L'hypothèse la plus « scientifique » : le « vortex plasmatique » de Terence Meaden. Après avoir passé en revue les théories les plus folles, il nous faut discuter maintenant le modèle le plus prestigieux : celui de Terence Meaden.
C'est un homme sympathique non dénué d'humour. Spécialiste de la physique des solides (doctorat à Oxford en 1961), il fut successivement maître de conférence à l'université de Grenoble et professeur associé de physique à la Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Ecosse (Canada), avant de fonder, en 1974, la Tornado and Storm Research Organisation (TOSRO) ainsi que le Circles Effect Research Group (CERES) en 1980.
Il édite l'International Journal of Meteorology depuis 1975. Meaden est un physicien des plus authentiques. Il est, cependant, un tantinet têtu, comme nous allons le voir.
Pour Terence Meaden, les crop circles apparaissent, de préférence, à côté des collines où les vents créent des tourbillons. Ces mini-tornades (ou vortex) sont souvent chargées de poussières et de débris divers. Du fait des frictions internes, celles-ci se trouvent électriquement chargées. Sensibles aux variations locales de champ électrique, du fait des courants qui les parcourent, ces mini-tornades se déplacent au-dessus des céréales et sont parfois quasi-stationnaires, en fonction de la dynamique locale de l'atmosphère. En s'écrasant au sol elles laisseraient des traces circulaires, les fameux crop circles.
Selon Meaden, la présence de masses d'air stables faciliterait l'apparition de ces mini-tornades. Il suffirait alors qu'une légère brise de mer perturbe la stabilité du système atmosphérique côtier, pour qu'apparaisse un de ces vortex. Ce modèle sur lequel Meaden s'étend dans son ouvrage n'est pas des moins complexes. Selon lui, les collines et falaises du sud de l'Angleterre constituent une région privilégiée ou cette bizarrerie météorologique peut s'exprimer.

Suite de l'article

Pour couronner le tout, Meaden suggère que ce vortex a les propriétés électromagnétiques de la foudre en boule, à l'exception de son effet calorifique. Il s'agirait, en quelque sorte, d'un plasma froid... Zurcher et Margollé donnent plusieurs exemples de trombes à vortex multiple. Ces vortex sont parfois équidistants les uns des autres. Mais selon Fujita, spécialiste des tornades à l'université de Chicago, les vortex satellites seraient d'une taille comparable au vortex central.
Dans un article consacré aux Dust Devils, Peterson montre que les vortex peuvent être disposés de façon géométrique et demeurer stationnaires. Les courants internes peuvent être centrifuges ou centripètes. Tout cela semble apporter de l'eau au moulin de Meaden. Les arguments contre la théorie de Meaden sont bien plus nombreux que ceux militant en sa faveur... A commencer par l'argument du nombre.
Selon Ralf Noyes, il y a eu davantage de cercles dans les six semaines qui précédèrent la moisson 1989, qu'entre 1980 et 1988. Le nombre maximum de cercles dans un même champ est passé de 15 en 1987 à 28 en 1989. Cette explosion du phénomène n'est guère compatible avec l'hypothèse météorologique. L'évolution des formes depuis dix ans et l'apparition progressive des satellites et des anneaux, ne semblent pas non plus être en faveur de cette thèse. A cela Meaden répond, de façon peu convaincante, que le phénomène a peut-être 500 combinaisons possibles dont nous ne voyons qu'une sélection chaque saison. Selon Meaden, des cercles seraient apparus dans une trentaine de pays. Ils seraient survenus dans le sable, dans la neige et même dans des rizières. Mais, malheureusement, aucune photographie ne l'illustre.
Très récemment des cercles seraient apparus au Japon, mais nous n'avons pas encore pu le vérifier. Ce fait n'est sans doute pas étranger au reportage organisé par la chaîne NHK TV en Angleterre, courant juillet, et à la collaboration entre Meaden et le Japonais Ohtsuki, de l'université Waseda de Tokyo.
Nous avons entrepris de vérifier systématiquement les cas étrangers à l'Angleterre évoqués par Terence Meaden.
A ce que nous pouvons constater, les crop circles anglais sont uniques... Trois cas seulement semblent assez similaires. Un cercle est apparu dans un champ de foin à Argyle, dans le Manitoba, au Canada, en 1989. Aucune trace ne semble y conduire. Mais le cercle est unique et il pourrait s'agir d'une simple verse. Près de Halbstadt, toujours dans le Manitoba, on a découvert un autre cercle de 24 m de diamètre, mais il contenait une empreinte en forme de tripode et les graines étaient déshydratées...

Suite de l'article

L'histoire la plus intéressante est arrivée à Wallers, dans le département du Nord, le 11 juin 1976. Une trace géométrique mais non circulaire, aux contours très nets, est apparue dans un champ d'orge. A l'intérieur de cette trace, l'orge était plaqué au sol comme dans les cercles anglais. Mais la trace était due à un glissement de terrain. 25 traces alléguées d'ovni sur les 971 que compte le catalogue de Ted Philips pourraient, à notre sens, intéresser la météorologie, telle la célèbre trace observée à Tully, dans le Queensland, en Australie, le 19 juin 1966. Mais aucune de ces 25 traces n'a une structure similaire à celle des cercles anglais. Deux autres traces, par contre, ressemblent beaucoup aux cercles anglais. Elles sont également associées aux histoires d'ovni mais sont l'oeuvre de deux faussaires, un Suisse et un Américain, bien connus des ufologues pour avoir réalisé des maquettes de soucoupes volantes. Si le phénomène des cercles était d'origine météorologique, on devrait en trouver trace dans les anciennes chroniques et le folklore comme c'est par exemple le cas des cercles de fées.
Qu'à cela ne tienne, Terence Meaden nous assure qu'il aurait recensé plus de 100 cas antérieurs à 1980. Un cas survenu dans le Kent, en 1918, et un autre au pays de Galles, datant de 1936, sont le plus souvent cités. Est-ce-à dire qu'avant 1918 ce phénomène météorologique n'existait pas ? Bien sur que si, répond Meaden. Et de citer une ancienne chronique de 1678 où il est question d'un « diable faucheur ». Faucheur ? Mais alors les blés sont coupés et non pliés au ras du sol. Par ailleurs, notre diable faucheur est une variante de la légende du faucheur prodigieux. S'il s'agissait bien d'un phénomène réel et ancien, certains motifs des récits légendaires, tel le contrôle magique du vent, du sol ou des récoltes, devraient renvoyer à des histoires de crop circles. Or ce n'est pas le cas . Par ailleurs, le modèle de Meaden est, comme les cercles, à géométrie variable. En 1983, Meaden déclarait que sa théorie ne pouvait rendre compte des quintuplets. Il l'a, depuis lors, grandement aménagée. A l'origine par exemple, on devait s'attendre à trouver les crop circles à proximité immédiate des collines. Mais face au nombre croissant de cercles qui avaient l'outrecuidance d'apparaître en terrain plat, Meaden étend la notion de proximité à 7 km et englobe les couloirs venteux, couvrant ainsi un territoire suffisamment vaste pour que tous les cercles s'y trouvent.
Et les rajouts ad hoc à son modèle ne sont pas terminés.

Suite de l'article

Après avoir observé le pictogramme d'Alton Barnes, Meaden déclare qu'il lui faudra plusieurs années pour l'expliquer. Mais voici la perle : les triangles et les rectangles apparus en 1990 lui créent du souci. Alors il écarte ces formes non naturelles, parce qu'elles seraient « l'oeuvre de plaisantins ». Mais on se demande pourquoi ces derniers ne sauraient faire que les triangles et les rectangles sans laisser de trace, et non les cercles et les anneaux ! Meaden passe rapidement sur certains détails gênants pour son modèle. Ainsi, pour réaliser une spirale centrifuge, le vortex doit être descendant. Mais la plupart des vortex connus sont ascendants. Meaden résoud le problème en imaginant deux phases, l'une ou le vortex est ascendant, l'autre où il s'effondre et crée un cercle.
Mais, selon ce modèle, les végétaux seraient déjà aplatis dans la première phase et, qui plus est, en spirale centripète. Il faudrait, dès lors, que le vortex descendant sorte son peigne et redresse toutes les tiges avant de les recoucher dans l'autre sens ! Pour Meaden, en bref, les anneaux seraient des « pistes ioniques », des zones où un flux d'ions se serait trouvé confiné.
Mais il ne dit rien des quarts, des demi ou des trois quarts d'anneaux, qui restent à expliquer ! Si le champ électrique local est non perturbé, c'est-à-dire uniforme, les vortex, déclare Meaden, feront coucher les céréales dans le sens horaire (anticyclonique) ; mais si le champ électrique est non uniforme, les végétaux se coucheront dans le sens anti-horaire. Or les céréologistes savent qu'aucun cercle anti-horaire n'a été répertorié avant 1986. La conclusion logique, si l'on suit Meaden jusqu'au bout, est que le champ électrique du sol était uniforme jusqu'en 1986.
Enfin, d'autres incongruités sont à noter dans le comportement des « vortex plasmatiques ». Le 12 mai 1990, un gigantesque cercle entouré de 3 anneaux apparaît dans un champ d'orge à Stone Pit Hill, dans le Wiltshire. Le 23 mai, un quatrième anneau concentrique fait son apparition !
Le 8 juillet 1983, une équipe de céréologistes en surveillance à Westbury quitte le site à 21 h pour n'y revenir que le lendemain à 8 h et... découvrir un quintuplet.
Lors de nos surveillances nocturnes à Silbury Hill, en juillet dernier, il ne s'est absolument rien passé malgré les conditions météorologiques très favorables à l'apparition des fameux vortex, aux dires mêmes de Terence Meaden. Mais trois jours après notre départ, un ensemble comprenant 16 cercles apparaissaient dans le champ que nous avions surveillé !

Suite et fin de l'article

Selon Meaden, les sens dans lesquels les céréales sont couchées ne peuvent pas être identiques dans le cercle et l'anneau qui l'entoure. Mais le jour même où cette déclaration fut publiée, elle fut démentie par les faits.
Tout se passe comme si les vortex lisaient le journal ! Et, pour conclure, selon le météorologue Philip Eden, le pictogramme d'Alton Barnes contiendrait des symboles de direction des vents et se lirait comme suit : Coup de vent de force 7 du sud-ouest, « coup de vent de force 5 du sud-est, calme plat, brouillard et calme plat ».
On ne s'étonne guère, dès lors, que peu de météorologistes emboîtent le pas à Meaden et que les experts du Meteorogical Office ne partagent pas ses vues !
Mais, paradoxalement, Meaden a fait école... chez les ufologues. D'ailleurs, deux de ses principaux partisans sont les ufologues Paul Fuller et Jenny Randles. Dans leur récent ouvrage, ils font du modèle de Meaden une panacée universelle expliquant toutes les observations d'ovni.

Rappel : Article paru dans le n°878 de la revue Science et Vie en novembre 1990.