Polémique sur l'inauguration d'une stèle à la mémoire de l'OAS à Marignane
LE MONDE | 17.06.05 | 14h52 • Mis à jour le 17.06.05 | 14h52
Le 6 juillet doit être inaugurée, à Marignane (Bouches-du-Rhône), une stèle à la mémoire des "Combattants morts pour que vive l'Algérie française" . La date a été choisie en hommage à Roger Degueldre, fondateur des commandos Delta de l'Organisation de l'armée secrète (OAS), à Alger, au début des années 1960 ; ceux-ci assassinèrent plusieurs centaines de personnes favorables à l'indépendance de l'Algérie. Condamné à mort par la cour militaire de justice, Roger Degueldre fut fusillé le 6 juillet 1962.
Des organisations, parmi lesquelles la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Collectif des historiens contre la loi du 23 février 2005, se mobilisent contre cette "forme déguisée de réhabilitation du colonialisme, voire une sorte de repentance subrepticement imposée à la nation" .
Le monument de Marignane n'est pas le premier du genre. Depuis plusieurs années, dans des communes du littoral méditerranéen, se développent des initiatives consistant à élever des stèles à la gloire des "Martyrs de l'Algérie française" . Le mouvement est parti de Toulon, où ce type de monument fut inauguré le 14 juin 1980. Le 4 mars 2001, la municipalité Front national baptisait un carrefour portant le nom du général Raoul Salan, l'un des officiers qui prit part à la tentative de putsch de 1961. Une initiative que le sénateur (UMP) Hubert Falco n'a pas remise en question depuis qu'il a été élu maire de Toulon, fin mars 2001. D'au- tres communes ont suivi l'exemple toulonnais : Théoule-sur-Mer le 1er novembre 2002, Perpignan le 5 juillet 2003 et Béziers le 6 décembre 2003.
"RÉHABILITATION"
Pour l'historien Claude Liauzu, "ces commémorations s'inscrivent dans un mouvement évident de réhabilitation du colonialisme encouragé par la loi du 23 février" , qui prévoit que "les programmes scolaires reconnaissent (...) le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord" . "Dans tous ces endroits, on s'aperçoit qu'il s'agit de villes du Sud où un fort noyau de rapatriés s'est installé" , ajoute-t-il.
Ces lieux de mémoire à la gloire de l'OAS ont été érigés à l'initiative d'associations de pieds-noirs, le Cercle algérianiste et, surtout, l'Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l'Algérie française (Adimad). "Ces initiatives ont des liens avec une extrême droite idéologique défendant la supériorité de la "civilisation blanche" sur "les races inférieures", telles Jeune Nation et Europe Action" , relève Claude Liauzu qui s'étonne que "des personnes se réclamant du gaullisme gardent le silence face à des mouvements qui ont tenté d'assassiner de Gaulle et qui le poursuivent d'une haine post mortem" .
Si elle ne dément pas avoir attribué à l'Adimad une parcelle vierge au sein du nouveau cimetière municipal, la mairie de Marignane se montre peu loquace sur cette affaire. Elu maire en 1995 sous l'étiquette Front national, avant de rallier le Mouvement national républicain de Bruno Mégret, Daniel Simonpieri, qui a intégré, le 31 mars, le groupe UMP au conseil général des Bouches-du-Rhône, ne souhaite pas faire trop de publicité autour de l'événement. "La demande de l'Adimad a paru suffisamment légitime ailleurs pour que Marignane y accède" , justifie son service de communication.
Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 18.06.05