Les petits mots de Raymond

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Domenech : « Une faute stratégique »

Se moquer de Zidane dans la presse, siffler la Marseillaise, insulter les joueurs à leur arrivée au parking du stade, les Espagnols ont commis une erreur stratégique selon Raymond Domenech.

Le propre d'un footballeur c'est son orgueil. Quand on touche à ça, c'est une faute stratégique, mais ça leur appartient. Nous utilisons tout ce qu'on peut utiliser pour motiver les joueurs. Quand c'est l'adversaire qui vous donne les moyens, tant mieux, mais je ne sais pas lire l'Espagnol, je suis d'origine catalane (rires).

Domenech ne pavoise pas

Après le match presque parfait réalisé par les Bleus contre l'Espagne, Raymond Domenech aurait beau jeu de faire le coq. Mais l'homme est bien trop habile pour tomber dans ce travers. Toujours parfaitement maître de ses propos à la presse, le sélectionneur garde les pieds sur terre.

"Vous ne trouverez aucune autosatisfaction chez moi." Raymond Domenech prévient d'emblée ceux qui seraient venus chercher chez lui une pointe d'orgueil mal placée, c'est raté. S'il savoure évidemment la prestation de son équipe dont il est forcément, quelque part, un artisan, le sélectionneur se garde bien de donner des leçons. Et refuse même de tomber dans le piège qui consisterait à remettre à leur place les encenseurs du jour qui étaient parmi les plus critiques la veille. "Les divergences avec les médias, c'est logique. On n'est pas toujours d'accord mais je l'accepte volontiers, ça fait partie du jeu. Et même j'écoute les différents points de vue si ça reste dans le cadre du débat d'idées sur le jeu", explique Domenech qui tente néanmoins de profiter du contexte plus favorable pour chercher l'apaisement après plusieurs semaines de tension avec la presse.

Le technicien est bien obligé de l'avouer, les critiques, les remises en question touchent les joueurs qui peuvent utiliser ces moyens pour trouver un surcroît de motivation. A ce sujet, il parle même de "faute stratégique" de la presse espagnole qui avait appelé son équipe à mettre Zidane à la retraite. Un titre provocateur qui aurait eu le don de décupler l'envie du stratège tricolore... "Un sélectionneur utilise tout ce qui peut être utilisé pour motivé ses joueurs", rappelle Domenech qui s'étonne par ailleurs de lire que la Coupe du monde des Français est d'ores et déjà réussie. "Si j'osais dire ça après une défaite contre le Brésil, qu'est-ce que vous diriez ?", lance-t-il, rappelant que le seul objectif des Bleus, c'est le 9 juillet.

Interrogé sur son avenir après un tel succès, pas question pour Domenech de se laisser griser : "Mon cas personnel, je sais que vous ne me croyez pas, mais je m'en tape à un point..." Mais quand il s'agit d'expliquer les émotions ressenties après la victoire, là, le sélectionneur, une fois n'est pas coutume, se fait moins disert. "Je n'ai pas les mots, reconnaît-il. Parfois, l'émotion dépasse le cadre de l'explication. Quelque chose de fort qui était au fond de nous est sorti. C'est quelque chose qui se vit..." Et Domenech, c'est certain, a vécu un moment fort.

"L'objectif reste le 9 juillet."

Etes-vous déjà focalisé sur le Brésil ou la victoire face à l'Espagne est encore présente ?

Raymond Domenech : Je n'oublierai jamais ce qui s'est passé hier soir. C'était un grand moment, un vrai moment de bonheur collectif qui a déteint sur toute la France. On ne peut pas l'oublier. Maintenant, ce qui compte, c'est le prochain match. Il faut se préparer, récupérer, superviser, étudier. Je suis déjà plutôt dans la suite.

Qu'avez vous ressenti hier soir ?

Je n'ai pas de mots. Il y a des moments où l'émotion dépasse le cadre de l'explication. On a eu après le 3ème but quelque chose de fort, qui est sorti, qui était là au fond depuis des semaines et des mois et qu'on savait qu'on avait en nous. Pourvoir enfin l'exprimer après toute la tension et la pression, ça ne s'explique pas, ça se vit.

Avez vous vécu votre plus grande joie de sélectionneur ?

C'est vrai qu'il s'agit de l'accession à un quart de finale de Coupe du monde. C'est presque le sommet, il reste encore quelques marches, mais ça se rapproche. Ca fait monter l'émotion et tout le bonheur qu'on ressent.

Cette victoire valide-t-elle votre travail ?

Moi, je fais mon travail. Après, les censeurs, les critiques, c'est vous qui jugez en fonction de ce qu'on met en place. Mais pour moi, l'objectif est de continuer à faire que cette équipe puisse s'exprimer le mieux possible. Il n'y a pas d'autosatisfaction. L'objectif reste le 9 juillet.

Quel est l'aspect du match qui vous a le plus séduit ?

La manière. C'était un vrai match construit ou on avait une idée directrice pour jouer contre les Espagnols et jamais à aucun moment les joueurs ne se sont relâchés malgré l'adversité. Ils se sont même renforcés au fur et à mesure que le match avançait. Les événements confirmaient que notre idée de base, qui était de faire bloc pour les forcer à jouer plutôt long que court à l'intérieur, était la bonne. Il fallait étoffer le milieu de terrain et presser haut. le travail de récupération et le pressing de "Titi" et "Zizou" ont été exceptionnels.

Serait-il logique de garder la même équipe face au Brésil ?

Une liste de 23 est faite pour que tout le monde à un moment donné puisse rentrer dans un cadre et une organisation qui peuvent varier. Peut-être que contre le Brésil il faudra encore autre chose qu'un bloc solide. Les Brésiliens ne font pas courir le ballon de la même manière que les Espagnols. On peut modifier des choses par rapport à une stratégie différente. Il nous reste trois jours. Depuis deux ans, je n'ai pas pu faire deux fois de suite la même équipe. Avant de décider de ne rien changer ou pas, je vais voir ce qui se passe pendant les entraînements.

Comment expliquer la progression fulgurante de Patrick Vieira ?

Il ne faut jamais avoir raison avant les autres. Vous ne l'avez pas vu se préparer, travailler, moi je sais tous les efforts qu'il a produits. Le connaissant, connaissant ses capacités, ce n'est pas une surprise. Mais vous n'avez pas les mêmes données que moi. Tout ce qu'il a fait en préparation a joué. Faire des efforts différents dans des systèmes différents lui a peut-être permis d'être bien physiquement et dans sa tête maintenant. Les matchs de préparation étaient des répétitions. Quand vous allez au théâtre, vous ne venez pas aux répétitions, mais à la représentation.

Domenech jubilait après la victoire face à l'Espagne.

Qu'avez-vous ressenti après cette victoire contre l'Espagne ?
Je n'oublierai jamais ce qui s'est passé hier car c'était un grand moment de bonheur collectif qui a déteint sur toute la France. Il y a des moments où les émotions sortent. Après le troisième but il y a quelque chose de fort qui est sorti. On a enfin pu l'exprimer. Cela ne s'explique pas, ça se vit. Mais c'est le prochain match qui compte déjà. Il faut penser à récupérer, superviser et étudier le jeu de l'adversaire. Je suis tourné vers la suite.

On a enfin vu l'équipe de France montrer sa joie, y compris à votre égard. Il fallait un gros succès pour cela ?
Cette victoire a permis de montrer ce que cette équipe a au fond des tripes. On a pu exprimer quelque chose qu'on avait en nous mais il fallait un événement en rapport pour cela. Il fallait un prétexte pour exprimer ouvertement ce bonheur partagé.

Que retenez-vous de cette victoire ?
Ce qui m'a le plus plu, c'est la manière. C'était un vrai match construit avec une idée directrice pour jouer les Espagnols. Ils ont toujours joué dans cette optique malgré la difficulté. Cela a même confirmé que c'était ça qu'il fallait faire. Il fallait garder certains principes pour jouer les Espagnols qui aiment bien garder le ballon, les faire déjouer, les obliger à jouer long et non pas court à l'intérieur. Pour cela il fallait un très gros pressing de Zidane et Henry.

"Les qualités se mélangent et s'équilibrent"

Avez-vous été surpris par votre équipe ?
La liste des 23 est faite pour que tout le monde puisse répondre à un cadre très précis. Des fois, il faudra enflammer la rencontre et on a les joueurs pour ça aussi. Là, il fallait un bloc solide et on l'a eu. Il faudra peut-être montrer encore autre chose contre le Brésil.

Justement, le Brésil aime également avoir le ballon et le faire circuler comme l'Espagne...
(Il coupe). Regardez bien, le Brésil ne fait pas courir le ballon de la même manière.

Comment analysez-vous l'apport d'un jeune comme Ribéry ?
Ribéry a marqué, c'est bien pour le groupe. C'était un but important mais il en a raté d'autres. Ce n'est pas une question de génération. Tous ont un travail à faire, ils ont le même maillot. Certains ont un pied gauche, d'autres le droit, il y a des joueurs offensifs, des défensifs, des jeunes des vieux. Les qualités des uns et des autres se mélangent et s'équilibrent.

Pensez-vous que les différentes critiques et attaques ont pu motiver vos joueurs ?
Il y a une motivation. Les joueurs ont entendu ce qui se disait sur eux. Il n'y a même pas besoin d'en faire état, c'est diffus. On a eu envie de montrer ce qu'on sait faire, de réagir. On se sert de tout pour maintenir une équipe au plus haut niveau. Le propre du footballeur, c'est l'orgueil. Quand on touche à ça, c'est une faute stratégique (il fait référence à la presse espagnole qui avait notamment parlé de mettre Zidane à la retraite, ndlr). Tous les sélectionneurs utilisent tout ce qui peut être utilisé .

Est-ce que vous avez fait ?
Non, je ne lis pas l'Espagnol (Il ment et plusieurs journalistes l'interpellent). Je lis le Catalan (il sourit franchement).

"Vous êtes dur avec le Brésil"

Comment avez-vous trouvé l'arbitrage lors de cette rencontre ?
Il a été bon. Parfois, on a eu à critiquer à juste titre certaines décisions arbitrales. Cette fois, il a su tenir le match alors qu'il aurait pu dégénérer. Il a mis 3 cartons jaunes mais il y aurait pu y en avoir 25 car je le répète, le match aurait pu dégénérer s'il ne l'avait pas bien tenu.

Pourtant, on vous a vu réagir sur le penalty accordé à l'Espagne ?
Il y a faute. Mais il y aussi une faute juste avant sur Gallas et c'est pour ça que je protestais. Ensuite, peut-être que ce penalty a permis à l'équipe de conserver sa logique de jeu et de conforter les Espagnols qui menaient alors au score...

Avez-vous eu l'opportunité de regarder le huitième de finale du Brésil contre le Ghana ?
J'ai vu les buts, je sais qu'ils ont gagné 3-0. Vous les trouvez décevants ? Si on gagne tous nos matches 3-0 et que vous nous trouvez décevants alors j'en serrai très content. Ils jouent, ils attaquent, ils provoquent et ils gagnent 3-0, je trouve bien dur avec eux.

Imaginez-vous que l'aventure puisse s'arrêter contre le Brésil ?
J'ai été surpris d'entendre que le Mondial pourrait être bon même en cas de défaite contre le Brésil... Face à la Corée déjà, j'avais sorti Zidane et vous aviez dit que ce serait peut-être son dernier match. On se prépare pour que le dernier match ait lieu le 9 juillet. Mais dans le foot, c'est comme dans la vie, le dernier match on ne sait jamais quand il a lieu...