Une Transat si convoitée... C'est dimanche que s'élance de Concarneau la huitième Transat AG2R à destination de Saint-Barthélémy via Madère. Et au vu du plateau de 28 tandems alignés au départ de la "seule transat à armes égales", on peut s'attendre à une vraie régate océanique et des écarts infimes à l'arrivée après environ trois semaines de mer. Tenant du titre, le duo Le Cléac'h-Troussel devra encore se montrer le plus opportuniste s'il veut être le premier à réaliser le doublé face à des tandems aussi redoutables que Beyou-Riou, Dick-Jourdren, Jourdain-Nélias, De Pavant-D'Ali, Morvan-Tabarly...
La succession de Le Cléac'h-Troussel est ouverte... (E. Rousseau/Brit Air)Pour sa huitième édition, la Transat AG2R s'est offert un petit lifting: changements d'organisateur (la société Pen Duick a repris celle de François-Xavier Deshayes, Match Racing), de directeur de course (l'ancien navigateur Jean Maurel occupe ce poste, comme sur la Jacques-Vabre et la Route du Rhum), de port de départ (Concarneau succède à Lorient pour au moins trois éditions) et, l'expérience forcée de 2004 ayant été convaincante (le report du départ poussa les organisateurs à annuler l'escale de Madère), parcours modifié avec une marque de passage obligatoire au sein de l'archipel portugais, plutôt qu'un arrêt, ceci de manière à rendre plus lisible la course.
En revanche, le bateau (Figaro Bénéteau 2) et le format (en double) restent les mêmes, tout comme le port de destination: c'est bien autour d'un ti'punch à Gustavia, capitale de l'île antillaise et «jet-set» de Saint-Barthélémy, que les 28 tandems fêteront leur arrivée après environ trois semaines de mer (le record, datant de la dernière édition, est de 20 jours 8 heures et 49 minutes). Au total 3710 milles (6678 kilomètres) sur un parcours bien connu de la majorité des skippers avec une sortie de Golfe de Gascogne qui s'annonce cette année assez rapide (du portant de plus de 20 nœuds est attendu au départ), la toujours délicate descente du Portugal (la victoire s'était jouée là en 2002), la négociation périlleuse de l'archipel de Madère, avant la route des alizés qui mènera tout ce petit monde vers l'arc antillais où les conditions peuvent être piégeuses, surtout en cas d'arrivée nocturne.
Une préparation de plus en plus professionnelleLe tout mené à «petite vitesse», à savoir environ 7 nœuds, loin des moyennes de 13 ou 15,3 nœuds affichés par exemple sur la dernière Jacques-Vabre par les monocoques et trimarans de 60 pieds. Et c'est d'ailleurs dans cette toute relative lenteur que réside la difficulté d'une telle transat: "L'AG2R reste une course particulière, explique ainsi Jérémie Beyou, qui, en quatre participations, n'a terminé qu'une fois sur le podium. Parce qu'on n'a pas beaucoup d'infos météo, si bien que parfois certains, qui ne sont pas forcément favoris, tirent leur épingle du jeu en jouant des coups qui ne se voient pas toujours sur les cartes. Et quand tu n'es pas dans le bon coup, c'est très difficile de revenir car les bateaux étant relativement lents, tu ne peux pas traverser le plan d'eau pour récupérer comme en 60 pieds."
D'autant que contrairement à un Vendée Globe ou une Route du Rhum par exemple, tous naviguent sur des bateaux identiques et reçoivent les mêmes sources d'informations météo, les instruments de bord étant limités et le routage extérieur interdit. D'où le surnom habituellement accolé à l'AG2R: "La seule transat à armes égales". Un surnom qui n'a peut-être jamais été aussi vrai cette année, puisque rarement, la transat n'aura été aussi professionnellement préparée: depuis le mois de janvier pour les plus précoces, les 28 tandems ont cet objectif en tête et n'ont de cesse de s'entraîner dans des conditions souvent idéales, grâce notamment aux stages offerts par le Pôle France Finistère Course au Large de Port-la-Forêt (qui a réuni jusqu'à 17 unités !) ou son alter ego sudiste de La Grande-Motte, d'autres ayant préféré La Rochelle pour faire leurs gammes.
Présent à Port-Laf', Armel Le Cléac'h soulignait la qualité du plateau: "On s'est rendu compte lors des stages que le niveau s'est homogénéisé vers le haut, c'était difficile de voir s'il y avait un ou deux bateaux qui sortaient du lot. Surtout, les gens sont prêts bien avant le départ, la plupart ont fignolé leur carène deux semaines avant, ça n'était pas comme ça avant."
Morvan: "La dimension humaine est essentielle"Dans ces conditions, il est bien difficile de se lancer dans l'exercice du pronostic, tant les candidats à la victoire, venus de tous les horizons de la course au large (Mini, Figaro, 60 pieds Open, trimaran...), sont légion. On trouve ainsi parmi les prétendants à la victoire les tenants du titre, Armel Le Cléac'h et Nicolas Troussel (Brit Air), le tandem de choc qui attire inévitablement tous les regards à Concarneau formé par le vainqueur de la Solitaire du Figaro 2005, Jérémie Beyou, et celui du Vendée Globe, Vincent Riou (Delta Dore), les têtes d'affiche que sont Roland Jourdain (Veolia) et Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) qui, en vue de leurs échéances futures (Route du Rhum, Vendée Globe), ont choisi de se frotter à la crème des «Figaristes» en s'associant avec deux fins régatiers, respectivement Jean-Luc Nélias et Bruno Jourdren (vainqueur de l'épreuve en 1998), justement ces «Figaristes pur beurre» qui ont pour noms Tripon-Drouglazet (Gedimat), Morvan-Tabarly (Cercle Vert), Caudrelier-Berenger (Bostik), de Pavant-D'Ali (Groupe Bel), Grégoire-Véniard (Banque Populaire), Bestaven-Guérin (Aquarelle.com), sans oublier les vieux loups de mer (de Broc, Thiercelin, Lemonchois, Vittet...) et les jeunes aux dents longues que sont Douguet (vainqueur de la Mini-Transat en 2005)-Chabagny (E. Leclerc/Bouygues-Telecom), Duthil-Manuard (Brossard), Maslard-Wardley (Donneurs de vie-All Mer), Defert-Riou (Suzuki Automobiles)...
Au total quasiment 20 prétendants au podium sur 28 duos partants, dont cinq anciens vainqueurs (Jourdren, Le Cléac'h, Troussel, Lemonchois, Jourdain, aucun skipper n'ayant jusqu'ici remporté deux fois la course), six femmes, seulement trois étrangers (Davies, Wardley, D'Ali) et un champion olympique, Damien Séguin, couronné aux Jeux paralympiques d'Athènes en 2004 et qui a obtenu cette saison l'autorisation de courir toute la saison en Figaro, solitaire compris. Bref, vu la qualité du plateau, ce ne sera sans doute pas sur des aspects purement techniques, mais bien sur les coups météo que se jouera comme souvent la victoire, tout étant une question d'opportunités, de prise de risques et de réussite. "La grosse difficulté d'une telle course est de choisir à quel moment il faut rester dans le paquet et à quel moment tu dois opter pour un super coup", résume ainsi Jeanne Grégoire.
Bref, on peut s'attendre d'entrée à une explication entre «costauds», avec quoi qu'il arrive deux beaux vainqueurs qui s'inscriront dans une lignée prestigieuse (Jourdain, Le Cam, Desjoyeaux, Gautier, Fauconnier...). "Cette course impose une neutralité. Ce sont les hommes qui font la différence du fait de ce départ à égalité de chances. Ici la dimension humaine est essentielle", conclut Gildas Morvan. Aux hommes (et femmes) de jouer !
De Sports.fr